Andreas Braun a rejoint le Chambon en juillet 2007. Pourquoi être venu au Chambon ? Pour le temps (il neige pendant l’interview) ?
Ce n’est pas faux, car il y a sur le plateau une qualité de vie certaine. Pureté, rudesse, et je suis venu essentiellement pour les enfants, car je souhaitais qu’ils soient élèves au Collège Cévenol. Je trouve que à ce jour après 18 mois on peut dire énormément de choses vis à vis du Collège ; quand on regarde votre blog, ce qui est intéressant c’est de voir à quel point les souvenirs sont différents, et pas toujours des souvenirs super sympa, mais ces souvenirs sont devenus au fil des messages des petites briques qui permettront la construction de votre manifestation, et cela qui me plait dans les messages de ces anciens dont je ne fais pas partie. Voilà une des raisons pour moi de venir au Chambon

Vous connaissez l’histoire du collège, je ne vais pas vous la raconter ; le collège a toujours été très impliqué dans le cadre protestant, tout en étant ouvert à d’autres religions. Le multiconfessionalisme du Collège Cévenol a toujours existé.
Oui, je commence à comprendre l’importance de la position réformée (pas protestante) proprement dite, position de l’église réformée de France. C’est une église qui, par vocation et par volonté, est pluraliste, c’est à dire qu’elle n’a pas une pensée unique mais elle cherche à tout prix la diversité des pensées. Donc ce n’est pas seulement le Collège Cévenol qui par son histoire est ouvert à tout, mais il y a cette pensée réformée, qui souhaite toujours ce pluralisme. Par exemple faire passer l’idée que des choses gratuites existent. Aujourd’hui on a tendance à dire que rien est gratuit, même la vie n’est pas gratuite, elle coûte la mort¨
Des choses gratuites existent, par exemple l’étranger qui doit apprendre la différence entre l’acte gratuit d’un médecin qui soigne et l’acte gratuit d’un jeune qui incendie une voiture. Les deux accomplissent un acte gratuit. Mais ce n’est pas la même chose.
Ce que nous disons dans notre théologie : « vous êtes sauvés gratuitement » ! On a pas besoin de signer en bas à gauche. L’enseignement devrait reprendre selon moi, l’idée qu’il existe des choses gratuites dans la vie. Je ne vais pas à l’école pour avoir 19/20, non, je vais à l’école pour autre chose. Ces autres choses, actuellement je ne peux pas les mesurer, les quantifier ; mes compétences en maths, en anglais, et philo, je peux les mesurer avec des partiels ou autres examens. Mais à côté de ça il y des choses qu’il faut tout simplement vivre, mais qui n’ont pas de prix. Ce sont ces petites briques dont j’ai parlé tout à l’heure et qui construisent une vie sans être une pierre angulaire.


Et Pentecôte2009 ?
Qu’est ce que je vais dire, (rires) que du bien, j’aurais tendance à dire qu’ils viennent tous au culte de la Pentecôte, comme ils en avaient l’habitude quand ils étaient collégiens, non ça c’était la « petite pub » pour moi. Franchement je me réjouis de cette manifestation, parce que c’est tellement facile de dire du mal de quelqu’un ou de quelque chose, et c’est tellement difficile de porter quelque chose pour que ce soit bien. Là on a l’impression que tous ceux (et je vois aussi sur le plateau) les parents, les personnes qui ont eu leurs enfants au Collège Cévenol, en parlent autrement que celles et ceux qui n’en connaissent rien du tout, qui parlent sans savoir, qui colportent des bruits, et qui sont comme l’aveugle qui décrit la couleur, ils n’en savent rien du tout et ils en parlent mal ! A eux il faut ouvrir les yeux, non pas en disant : « oui oui tout va bien tout va bien tout va bien », car c’est ainsi que l’on porte « l’insensé » ; non ce n’est pas juste, mais de dire voilà ce qui se passe tant en bien qu’en mal, et je pense qu’on a toujours besoin, pour rester crédible, de placer en avant les deux entités, bien et mal.
Il ne faut pas fermer les yeux devant ce qui va mal, mais il ne faut pas être trop modeste non plus dans ce qui se passe de bien.


Il y s’exprime aujourd’hui une demande de communication de ce qui se passe au Collège Cévenol, de présentation des projets du Collège Cévenol, et également du projet pédagogique, qui a toute son importance, et aussi pourquoi pas d’un projet spirituel, qui peut être mis en place, et cette demande existe de la part des gens du plateau.
Et de la part de tous ceux qui se sentent impliqués dans ce travail. Remettre à jour une sorte de cahier des charges, ou un cahier de vocation pour mettre au clair ce que nous vouons être, non pas pour mieux mesurer le succès mais qu’on puisse mieux communiquer la dessus. Car nous tous villageois impliqués dans le Collège Cévenol si on adopte les mêmes idées on arrive à d’autres résultats. Je prends l’exemple de l’alcool, heureusement qu’il y a des commerçants qui jouent le jeu avec l’objectif « pas d’alcool », je ne veux pas dire par là que l’alcool n’existe pas au Collège Cévenol, mais si nous les adultes nous sommes d’accord de ce que nous voulons faire avec et pour les collégiens, la synergie est plus grande que si c’est le Collège Cévenol qui porte le poids de la décision lui tout seul. C’est un exemple très clair qui montre comment les deux entités peuvent travailler ensemble pour le bien de tous. Car du coup on va se dire « tiens au Collège Cévenol ils abordent le problème de l’alcool, je connais d’autres établissements où on en parle pas mais où on en boit autant » ! Et je ne parle pas de la consommation en famille. Ne pas en parler cela n’a pas de sens. Et ceci peut redonner confiance en disant : « tiens eux disent que ça existe, ils disent il faut que nous soyons forts ensemble, et bien je peux alors m’engager. »

Il y a un projet pédagogique sur le plateau, fait en collaboration entre Collège Cévenol et collège du Lignon, bel exemple de collaboration et d’ouverture : Un autre exemple d’ouverture l’interview que j’ai eu avec le père Sahuc, curé du Chambon , qui est très positif par rapport au Collège Cévenol, par rapport à notre réunion de Pentecôte2009, et qui souhaiterai que ses ouailles fréquentent le Collège Cévenol, car c’est un collège dit il confessionnel, mais il dit cela sans pour autant négliger le collège du Lignon, toujours dans ce grand respect des uns et des autres. Je trouve que sa position est très claire, le respect de chaque communauté.
Il faut bien dire que lui est un cas spécial, c’est le meilleur protestant que je connaisse (rires). Il y a des choses inouïes, qui se font ici au niveau de la maison de retraite, par exemple, dans notre planning des cultes, Maurice Sahuc a bien sa place. Il a une très belle vue de ce qui est possible, de ce qui peut faire du bien. Collège confessionnel, collège public, je reste l’étranger qui secoue la tête sur cette guéguerre qui n’existe pas au Chambon. Mais toutefois je comprends que l’enseignement catholique a été très pesant en France beaucoup plus qu’en Allemagne, et au Chambon en revanche, le collège confessionnel, protestant, n’a pas été monté en alternative à un collège public, mais comme une proposition, il n’y en a pas donc il en faut un. Donc si maintenant dans le secteur public on pouvait adopter les fondamentaux du Collège Cévenol, on pourrait dans l’absolu le fermer. En France on a enfin des écoles qui mettent en valeur l’être humain et non pas son succès, qui mettent enfin en valeur le lien existant entre créature, création et créateur. Sans m’obliger à croire que cette création est tombée du ciel en 6 jours. On peut imaginer une création autrement.

Mais l’idée est de faire perdurer le Collège Cévenol car c’est aussi un pôle économique très important pour le plateau.
Attendez ! Je n’ai pas dit qu’il fallait le fermer, (rires), d’ailleurs dans le même cadre je dis toujours que si les pasteurs avaient trop bien fait leur travail, ils seraient au chômage, car ils auraient formé assez de responsables dans leurs églises et puisqu’il n’y a pas de différence essentielle entre le non pasteur et le pasteur, on aurait plus besoin de pasteur. Mais rassurez vous je ne vais pas scier la branche sur laquelle je suis assis.

Quel est le message qu’Andreas Braun passe aux anciens du Collège Cévenol, aux gens du plateau, aux jeunes comme aux adultes, aux gens qui viennent du monde entier et qui vont vous lire, concernant cette fête de Pentecôte2009 ?
ça vous auriez pu me le demander il y a 15 jours pour que je puisse préparer un truc (rires). Non mais, je pense que dans tout ce qu’on va vivre, et mettre en place, ce qui va je l’espère perdurer, ne perdons pas de vue que nous le faisons exclusivement, mais vraiment exclusivement pour les enfants, pour les élèves et non pas pour notre chapelle, ni pour notre commerce, ni pour faire tourner une machine qui puisse embaucher tant de personnes au Chambon, mais pour ces enfants qui y vont.

Propos recueillis par Sam Debard