J’ai la chance d’être avec Francis Valla, qui a été maire du Chambon de 2001 à 2008, que j’interroge surtout en tant qu’ancien élève du Collège Cévenol. SD : Vous étiez à quelle époque élève au Collège
FV : Dans les années 75, c’est vrai que l’on oublie, mais certainement pas le temps que l’on y a passé, car il est un fait impressionnant qui est que lorsque l’on était adolescent, et que nous enfants du plateau, on entendait parler du Cévenol, que l’on voyait qu’il était peuplé de tant d’étrangers, quelque part moi en tant qu’ado je craignais un peu d’y aller.
Mes parents m’ont dit : « c’est à côté de chez nous, tu vas y aller… », et finalement je me suis régalé. C’est un lieu exceptionnel, c’est un bâtiment rustique adossé contre un bois, et en récréation on était au milieu des sapins. C’était un véritable campus à l’américaine. Et de plus, ce qui m’avait marqué à l’époque, est que dans notre classe il y avait un garçon originaire des Etats unis qui venait se perfectionner en français, et qui était premier de la classe en français…
Il est vrai que les gens du plateau « craignaient » un peu tous ces gens venus d’ailleurs, mais très vite je me suis fais ma propre opinion.
SD : C’est curieux du reste de voir que les gens du plateau qui avaient ce sentiment de crainte, mais qui fut toutefois transcendé puisque de nombreux jeunes du plateau ont fait leurs études au Cévenol.
FV : Qui sont allé au Cévenol que voulez vous c’était tellement pratique, à deux pas de chez nous. On a apprécié cet endroit, qui pour notre village, était une opportunité exceptionnelle.
Quand je vois le contexte dans le quel il a été créé, il faut à tous prix que cet établissement continue. C’est notre histoire. Dans les années 40 beaucoup de jeunes ados étaient ici protégés du nazisme, car les pasteurs Trocmé et Theiss et Monsieur Darcissac par exemple ont décidé de créer un lycée. Lors de mon mandat je me suis dit que de nos jours, avec les moyens que nous avons, nous aurions été, mon groupe et moi, incapable de réaliser un tel chantier. Créer un lycée, s’il fallait qu’on le fasse, on n’y arriverait pas. Il fallait le faire. C’est parce qu’il y a eut des gens exceptionnel sur le plateau, qui ont réussi des choses extraordinaires.
SD : Vous avez le sentiment vous qui en tant que maire avez côtoyé de nombreuses personnes du plateau, que la mémoire de ceux qui créèrent le Cévenol, reste présente dans la collectivité ?
FV : Je prends l’exemple d’une structure qui a disparu dans le village voisin du Mazet, qui a fait que les gens ne se sentirent pas bien et regrettèrent fortement cette disparition. Si par malheur, cela nous arrivait au Chambon et que le Collège vienne à disparaître, je peux vous affirmer que personnellement c’est comme si je perdais un proche, et je ne suis pas le seul dans ce cas. Car c’est notre histoire et ce n’est pas une histoire banale. C’est l’histoire d’un pasteur qui a dit : « on ne va pas écouter la loi des hommes, on va écouter la loi de Dieu ; aimes ton prochain comme toi-même » ! Et lancer cette idée qui a été suivie, chapeau !
SD : Ce qui a été incroyable c’est cette force du pasteur Trocmé qui a fait qu’une grande majorité l’a suivi.
FV : Je pense à cette phrase qui a été reprise par Gérard Bollon, historien du plateau et qui fut mon premier adjoint : « l’Esprit a soufflé sur ce plateau » ! Il y a eu quelque chose d’extraordinaire.
SD : Alors ce qui est très intéressant c’est que depuis 4 mois, il y a un événement incroyable aussi que se créé sur internet, qui est un moyen moderne de communication, à la suite de Laurent Pasteur (c’est un nom prédestiné en plus), qui a créé un blog, il y a plus de 1000 personnes qui se sont connectés sur ce blog, et ce mouvement est tout à fait comparable à ce qui a pu se passer en son temps sur notre plateau. Il y a réellement actuellement un mouvement de fond qui pourrait bien créer un renouveau de Collège Cévenol.
FV : Mais tant mieux, parce que si on pouvait voir ces 1000 personnes qui sont susceptibles de venir ici même, je serais de toute façon le premier à me rendre sur place.
SD : De toutes façons vous êtes invité à deux titres, en tant qu’ancien élève et en tant qu’ancien maire du Chambon. Quelle est finalement la position de la municipalité, je dirais du village, sur le plan économique par rapport au Cévenol.
FV : Le Cévenol est fondamental, pour un petit village 70 emplois c’est très important. Suite à la moins grande fréquentation des jeunes venant d’Afrique, suite à la dévalorisation de leur monnaie, le Collège à été en difficulté, et comme à l’époque la municipalité précédente avait aidé à financer l’internat, sous mon mandat on leur a accordé de repousser les annuités jusqu’en 2012, de sorte qu’à tous prix ce lycée puisse se maintenir, et continuer.
SD : Parce que financièrement il y a quand même un gros problème ?
FV : Oui, voilà, c’était international – c’est plutôt l’internat qui doit faire tourner le lycée- et comme il faut aussi une gestion pointue, comme les bâtiments comme le Batisco, bien que construit en granit, a toujours des fenêtres en bois, il est difficilement chauffable (problèmes d’isolation), donc il faut une gestion très rigoureuse, et il faut que les gens se sentent investit pour continuer à venir au Cévenol et à s’investir aussi. Car quand il a été créé, cela ne s’est pas fait comme cela par hasard, beaucoup de personnes ont soutenu financièrement sa création.
SD : Vous pensez que les anciens ont un rôle à jouer dans l’évolution et dans le fait que le Collège Cévenol puisse perdurer ?
FV : Il faut que tout le monde que ce soit les anciens, les politiques, tous se donnent et trouvent les meilleures solutions.
SD : C’est bien le but de la rencontre de Pentecôte.
FV : Et bien très bien.
SD : Francis Valla je vous remercie pour cette interview et puis on se donne rendez-vous à Pentecôte.
FV : Avec plaisir.