18Dec2008
Alphonse Swartebroekx, ancien propriétaire de l’hôtel Bel air
"Il
est un fait que l’esprit du CC doit être entretenu, et si votre fête réussit
bien j’en serais très satisfait. C’est bien évident. Ça remuera quelques
souvenirs, mais je vous affirme que si je suis en bon état, c’est très
volontiers que je me joindrais à la fête de la Pentecôte 2009. Il est certain
que vu ce qui se passe à travers le monde, ce ne sera pas facile d’aller de
l’avant, mais je vous fais confiance, et affirmer sa volonté de paix et non
violence est un atout magnifique pour le Collège Cévenol. Donc je dis aux
anciens venez nombreux, pour se rappeler de bons souvenirs, et je crois que les
anciens peuvent jouer un rôle fondamental car ils doivent insuffler aux
jeunes cet esprit du Collège Cévenol."
Plus connu sous le nom de « Monsieur Alphonse », Alphonse Swartebroekx est
originaire de Bruxelles. Et Chambonnais depuis 67 ans !
Qu’est ce qui fait que les gens débarquent un jour au Chambon ?
Moi mon cas était particulier, c’est la guerre qui m’a amené, les
circonstances qui ont voulu ça. Je suis arrivé en 41, et à cette époque
existait déjà « l’école nouvelle cévenole » mais je n’en était pas conscient du
tout. J’avais d’autres préoccupations à l’époque.
Les Allemands n’étaient pas arrivés jusqu’ici. Ils sont venus qu’après en 43/
44. Mes rapports avec la population étaient assez vagues. J’ai été hébergé par
les UCJG au départ, dans un home qui s’appelait le « Genêt d’or »
qui est devenu « Les vertes années » après. Ce home fonctionnait en
parallèle avec l’hôtel des Roches. Il y avait la même direction, ce n’étaient
pas les mêmes pensionnaires, c’était soi disant destiné aux jeunes chômeurs,
mais des gens comme moi qui était en situation irrégulière, j’y étais hébergé
en attendant de trouver mieux.
Donc il y avait l’école nouvelle cévenole. Vous avez rencontré le Pasteur
Trocmé ?
Bien sûr, à plusieurs reprises. La première fois que je l’ai rencontré,
c’était en 42, c’était lors de mon premier contrôle auprès de la gendarmerie
(je ne veux pas parler d’arrestation), j’ai été « convoqué » dirons nous , mais
les gendarmes sont quand même venus me chercher, et il a fallu les suivre, et
j’ai eu le temps d’avertit Trocmé qui m’a dit : « allez y je vais voir ce que
je peux faire » ! Le gendarme une fois arrivé à Tence, ouvre la porte de
l’adjudant, et me dit « vous pouvez entrer » et l’adjudant de
conclure « et repartir » ! Il y avait donc eu une intervention, je
n’ai jamais su exactement de quelle façon mais le résultat était là !
Lors d’une deuxième interpellation, pareil, Trocmé est intervenu aussi, et
jusqu’à ma troisième interpellation (rires), pendant quelques temps je n’aie
pas été ennuyé, on a cherché à m’arrêter en 43, mais alors que les gendarmes
étaient devant la porte j’ai pu me sauver, et à partir de ce moment je n’ai
plus donné signe de vie ! J’ai pris non pas encore le maquis (qui n’était pas à
ce moment organisé) mais je suis allé en pleine campagne, où j’étais
caché.
En fait les gens du Chambon savaient ce qui se passait à l’école nouvelle
cévenole, comment ça se passait, tous ces enfants qui étaient cachés ?
Je savais personnellement qu’il y avait beaucoup d’enfants cachés, qui étaient
dans mon cas ou à peu près, mais à cette époque je n’avais pas de rapports
avec le Collège Cévenol. C’est venu bien après.
Donc après la guerre est finie, vous décidez de rester au Chambon.
Bien voilà, je me marie, avec une Chambonnaise, et nous devenons hôteliers
en 45. Nous avons acheté à la SIMADE le coteau fleuri qui avait accueilli des
réfugies espagnols, et quand la SIMADE a libéré les lieux, nous sommes devenus
locataires de cet immeuble et nous avons exploité une pension de famille,
pendant 7 saisons et en octobre 1952 nous avons repris l’hôtel Bel Air qui
existait au Chambon depuis 1930. Et à ce moment a commencé la période de mes
rapports avec le Collège Cévenol, surtout avec les parents d’élèves. A cette
époque, à chaque rentrée, après chaque vacances, les 29 chambres de l’hôtel
étaient occupées, car les mamans accompagnaient les enfants et quelques unes
attendaient que le petit se soit acclimaté au Collège Cévenol. J’ai vu des
jeunes pleurant quand la maman partait. Et ce qui est extraordinaire, c’est que
après 1968, il y a eu un changement total d’attitude, et pour schématiser un
peu, les gamins disaient : « vivement qu’elle parte »
!
Donc pour vous il y a eu un clivage en 1968 ?
Nettement. Ce n’était pas le cas de tous les gamins, mais du coup il y a eu
beaucoup moins de parents d’élèves qui débarquait du fait aussi que les enfants
arrivaient désormais par le collectif, en car. Donc les parents venaient
beaucoup moins en voiture accompagner les enfants.
68 a été également l’arrêt du CFD, et donc aussi l’intérêt d’organiser le
collectif..
Oui. Quoique je ne sais pas si les enfants prenaient beaucoup de CFD,
certains peut-être.
En fait cette micheline qui rythmait par sa sirène les heures de la journée
avait quelque chose de sympathique.
A ce sujet j’ai une anecdote, parce que celle du matin (à 6heures) n’était
pas forcément appréciée par mes clients qui venaient ici pour se reposer. Car
comme vous le savez l’hôtel Bel Air jouxte la voie ferrée, donc cette micheline
ou ce train à vapeur parfois gênait mes clients. J’ai donc pris ma plus
belle plume pour écrire à la direction du CFD au Cheylard et leur faire part de
mes récriminations. La réponse a été très rapide, et faisant référence aux
principes de sécurité, la direction m’a signifié qu’elle ne pouvait rien faire.
Bref le temps a passé et comme au Bel Air il y avait encore une partie «
bistrot » à cette époque. Un jour je vois 3 gars avec des costumes que
j’identifiais très vite en train de boire un coup. Je vais les voir et leur
demande s’ils appartiennent bien au CFD et si par hasard ils n’étaient pas des
conducteurs de la micheline. Ils me le confirme et je leur propose de finir
leur verre et de leur offrir une tournée. J’en profitais pour leur expliquer le
cas, et à partir du lendemain, la micheline de 6heures du matin n’a plus jamais
corné. Le problème était réglé.
C’est bien évidemment dans la communication, dirait notre cher Laurent Pasteur,
que l’on fait avancer les choses . Les gens doivent se parler…Donc combien
d’années dans l’hôtellerie au Chambon .
Entre le coteau fleuri et Bel Air, 29 ans.
Vous avez rendu heureux beaucoup d’enfants du Chambon en mettant en place le
golf miniature et le terrain d’animation.
Il est vrai que la première année ou le golf a été créé, je pense 54 ou 55,
il n’existait pas d’autre golf en Haute Loire. J’avais 60 clubs pour le golf,
l’espace n’était pas tellement grand, et bien durant cette première
année, très souvent il manquait des clubs, ce qui veut dire qu’il y avait très
souvent 60 personnes qui jouaient. Alors il est vrai qu’ensuite il y a eu des
golfs miniatures un peu partout et l’intérêt s’est réduit très
rapidement.
C’était en fait une vision prémonitoire, puisqu’il y a désormais un golf
grandeur nature au Chambon, donc bien avant tout le monde vous aviez pressentit
l’intérêt du golf pour les gens.
J’en avais vu dans le midi et m’étais dit que c’était un truc à
exploiter.
Et toutes ce balançoires et toboggans que vous n’ouvriez du reste qu’en
été.
Oui. Au printemps je remontait tout après avoir démonté à l’automne, et le
les ai bien évidemment vendus il y a bien longtemps.
Vous avez vu défiler pas mal de monde dans votre hôtel, des élèves bien sûr,
des parents, des profs et peut-être des parents particulier.
Bien évidemment, je pense à D’Astier de la Vigerie, Jacques
Anquetil, et quelques vedettes, Marina Vlady, Claudius Petit, l’homme
politique, et d’autres dont j’ai oublié le nom.
Vous êtes le papa de notre ami André, ce qui fait que vous êtes encore plus que
d’autres au courant de Pentecôte2009, et j’aimerais connaître le message que
vous passez aux anciens ?
Il est un fait que l’esprit du Collège Cévenol doit être entretenu, et si
votre fête réussit bien j’en serais très satisfait. C’est bien évident. Ça
remuera quelques souvenirs, mais je vous affirme que si je suis en bon état,
c’est très volontiers que je me joindrais à vous. Il est certain que vu ce qui
se passe à travers le monde, ce ne sera pas facile d’aller de l’avant, mais je
vous fais confiance, et affirmer sa volonté de paix et non violence est un
atout magnifique pour le Collège Cévenol. Donc je dis aux anciens venez
nombreux, pour se rappeler de bons souvenirs, et je crois que les anciens
peuvent jouer un rôle fondamental car ils doivent insuffler aux jeunes
cet esprit du Collège Cévenol, car je me demande s’il existe encore . Et dans
ce sens les anciens peuvent et doivent aider le jeunes. La vertu de l’exemple,
et donc il faut que beaucoup d’anciens viennent pour témoigner durant ces 3
jours, bien que ce soit peu.
Monsieur Alphonse je vous remercie de m’avoir accueilli.
Propos recueillis par Sam Debard
Comments
Tuesday 13 January 2009 | 19:55
Monsieur Alphonse,
Je viens de lire ce petit reportage de Sam. J'en connaît quelques lignes puisque vous m'en avez déjà parlé un peu. Vous m'avez acceuilli 2 fois : la première l'été 1964 où j'ai eu l'occasion de travailler au Bel Air, partageant ma chambre avec André, et puis en 2008 pour la réunion du 8 novembre. Je vous transmets toute ma sympathie et espère vous voir à la Pentecôte.
Tuesday 13 January 2009 | 21:31
Que de souvenirs l'hotel Bel Air!
J'y suis allée avec mes parents à l'âge de 10 ans puis beaucoup plus tard alors que mon fils avait 3 ans et montait sur ce toboggan bien trop haut pour lui! et la fameuse micheline qui allait à ST Agrève je crois
J'étais pensinnaire au"Coteau fleuri" chez Mme Minaro( je crois me souvenir de ce nom) lorsque j'ai suivi des cours de vacances au Collège en 1953 ou 54
QUE DE NOSTALGIE
Merci M.Alphonse de m'avoir rappelé tout cela