02Nov2008
Raymond Vincent

Il faut absolument que les anciens soient là et qu’ils représentent le Collège partout en Europe et dans le monde. Ce sont eux qui sont la mémoire du Collège, il n’y a pas de doute.
Raymond Vincent, ancien Maire du Chambon, ancien élève de 1946 à 1952. Interview impromptue de Sam Debard (2 novembre 2008).
- Né en 34, vous êtes entré au Collège en 46 et y êtes resté de la 6ème au
bac. Vous avez donc bien connu Mrs Theiss et Trocmé...
- Bien sûr et puis les successeurs. Il est vrai que j’ai bien suivi la vie du Collège.
- Vous avez eu Paul Ricoeur ?
- Non car quand il enseignait la philo, j’étais dans les petites classes. Il était en même temps que moi, mais je ne faisais pas de philo, qui du reste n’était pas ma tasse de thé…
- Des souvenirs de cette époque ?
- Ho oui, moi j’ai des souvenirs très agréables, c’est à dire qu’il y avait une liberté extraordinaire, et on faisait du sport tout le temps on était dans les bois dès qu’on avait plus de cours. C’était vraiment cette liberté qui est mon meilleur souvenir. Et puis les profs qui étaient vraiment très près des élèves, sans les embêter mais très près quand même, c’est à dire que les élèves comme moi qui n’avaient pas de problèmes particuliers, et qui étaient dans leur famille, on n’avait pas de besoins, mais les élèves qui avaient des difficultés avec des parents qui n’étaient pas là, des parents qui souvent étaient divorcés, ou autre, les profs et les maîtres d’internat, bref tout le monde s’en occupaient beaucoup. Je pense à quelqu’un comme Antonio Plazas qui était directeur de l’internat, il était au travail 24 heures sur 24. Donc c’est vraiment quelque chose qu’on n’arrive plus à retrouver ( Rires).
- Une ambiance particulière à cette époque, l’encadrement des élèves, des élèves qui d’ailleurs venaient de partout.
- Oui bien sûr, c’était la base de l’éducation, c’était réellement de l’éducation, ce n’était pas de la scolarité, surtout pour les internes, parce que les internes par définition, ils étaient un peu loin de tout, le Chambon n’est pas sur les grandes autoroutes, et il faut tout de même y venir. Donc les parents suivaient leurs enfants, soit au téléphone soit par l’intermédiaire des maîtres d’internat, et bon ils avaient besoin d’être soutenus, et ils l’étaient très bien ce qui a fait cette réputation du Collège à travers le monde peut on dire.
- Et cette réputation est-elle toujours d’actualité ?
- Disons qu’il y a une image encore, et puis ça a évolué, et tout a évolué, partout, mais il y a une image extraordinaire du Collège à travers le monde, tant il est vrai que les gens qui voyagent beaucoup sont très étonnés de trouver de partout des gens qui parlent du Collège, qui parlent du Chambon et qui ont dans la tête cette image d’un établissement scolaire tout à fait hors normes. A l’époque. Bon ça a changé c’est sûr, mais il y a encore cette image. J’ai eu la visite d’un bonhomme qui travaille à Chicago, qui est français, et qui me dit chaque fois que je vais quelque part j’entends parler du Collège, car il travaille dans l’informatique, à travers tout le monde, et il dit : « ll faut faire quelque chose, ce collège a des difficultés, allons –y. » Je lui ai répondu, oui, mais ce n’est pas si simple.
- Ce n’est pas si simple, tant il est vrai que le Collège à des difficultés, et je crois que les nombreux anciens qui sont sur le blog et qui vont vous lire, en sont parfaitement conscients , mais que faire ? Là est la question et ce sera sans aucun doute l’un des points important de réflexion lors de la réunion de Pentecôte 2009.
- Oui , c’est vrai que beaucoup d’anciens ont envie de faire quelque chose et je pense qu’il ne manque pas grand’chose pour que la mayonnaise prenne. Il est vrai qu’individuellement ils disent, c’est bien , c’est dommage que le Collège soit comme ça et puis quand il partent ils ont leur boulot, leur famille, donc il l’oublient un peu, et puis c’est vrai qu’il faut les relancer.
- Ca c’est bien ce message que vous nous donnez en disant qu’il suffit de pas grand’chose pour que la mayonnaise prenne.
Je crois , et en plus il ne faut pas trop attendre, car on se rend bien compte : les fondateurs il y en plus beaucoup, ceux qui étaient là au début ils ont maintenant 80 et quelques, donc ça compte et il faut se dépêcher. Alors comment il faut faire je ne sais pas, je n’ai pas la solution, mais je pense que ce 70ème anniversaire va sûrement déclencher des choses. J’espère.
- Ben on espère tous, c’est quelque chose qui nous tient à cœur.
- Raymond Vincent , un souvenir particulier de l’époque où vous étiez au collège Cévenol , un personnage particulier, une anecdote particulière ?
- Oh ben, oui, ce qui me vient à l’esprit c’est le Collège éclaté ; c’est à dire que au départ l’établissement a été créé avec des salles de classe qui étaient disséminées dans la commune, et qu’il pleuve , qu’il vente ou qu’il neige ou qu’il y aie du soleil, on partait d’un hôtel à côté de la gare , on allait jusqu’en bas du temple où il y avait aussi une autre salle de classe. On allait après chez un professeur qui acceptait que les élèves viennent apporter de la neige dans son salon, et puis on allait faire les cours autours d’une table, et après il nous payait un coup à boire (pas d’alcool) et puis on mangeait un gâteau. Voilà c’était vraiment enthousiasment pour ceux qui ont bénéficié de cette scolarité, c’était formidable.
- C’était un autre monde à l’époque.
- A l’époque je ne le savais pas, car je n’avais pas vu d’autres établissements. C’est après que je me suis rendu compte que c’était une chance formidable d’être au Chambon, avec ses parents à 1000 mètres d’altitude, et pouvoir passer le bac sans avoir de problèmes particuliers. Donc c’était vraiment intéressant.
- Hier j’ai interviewé Tom Johnson, qui semble être la mémoire vivante du Collège.
- Oui c’est un des plus anciens. C’est un des plus anciens , effectivement il est toujours très fidèle, mais des gens comme lui, il faut se dépêcher, parce qu’il a du mal, physiquement, mais il a toujours cet enthousiasme, et il a fait un discours au moment de la mort de sa femme, c’était extraordinaire. C’était extraordinaire parce qu’il trouvait que la mort c’était quelque chose de joyeux, et dans son pays , là chez les indiens, il a réjoui toute l’assistance, tous ceux qui étaient là, donc je dois dire que ce sont des gens extras, vraiment.
- Alors donc le Collège, c’était l’adolescent Raymond Vincent, qui après est allé à l’université. Est ce que finalement être un ancien élève du Collège et plonger dans le milieu universitaire, est un avantage ou un inconvénient, comment l’avez vous vécu ?
- Il me semble quand même que le fait d’avoir eu cette liberté au moment des études et de se retrouver après en faculté et lâché dans la nature, sans avoir beaucoup de repère , ça a aidé quand même, ça a aidé parce que j’étais un petit peu comme ça au Collège, et il me semble que c’est une bonne préparation pour les études supérieures, que cette façon de travailler et de vivre .
- Donc après l’uni, c’est le retour aux sources.
- Voilà, moi je n’avais jamais envisagé de faire autre chose ou de vivre ailleurs qu’au Chambon, donc je suis revenu et me suis installé en 1960, juste après les études dentaires, le service militaire…
- Qui à l’époque durait longtemps, 2 ans non ?
- Oui, seulement comme j’avais des gamins, avec 2 enfants j’ai échappé à la guerre d’Algérie, et avec le 3ème enfant j’ai été libéré, donc j’ai fais un an et demi.
- Quand même !
- Oui, mais je l’ai fait dans de bonne conditions, parce que j’étais en Allemagne, pour le maintien de l’ordre (rires).
- En exerçant la profession.
- A bien oui, j’étais dentiste à l’armée.
- Et puis alors, le deuxième Raymond Vincent, c’est l’ancien maire du Chambon avec un certain nombre de mandats pour ne pas dire un nombre certain.
- Oui c’est à dire que je suis arrivé en 60, et comme le Chambon m’intéressait beaucoup j’ai participé à pas mal d’associations, de mouvements et autres, et quand sont arrivées les élections municipales on a commencé à s’y intéresser, pas immédiatement mais, on a discuté avec des gens de notre âge, et à l’époque on a trouvé que la gestion de la commune était un peu vieillissante et donc on s’est présenté et on a été élus, en 1971 et après on a fait 5 mandats. La base est restée avec moi et on a été en fonction de 71 à 2001. Et après on ne nous a plus voulu, donc on nous a virés (rires)
- Ce sont les aléas de la politique. Trente ans de mandat c’est une histoire, car le Chambon en 30ans a subit de nombreux changements, une véritable explosion, peut être aussi démographique, mais en tous cas des changement incroyables dans la structure même du Chambon.
- Oui , c’est un peu pour ça qu’on s’était présenté et qu’on a été élus. Et je dis toujours que si on a été battus, c’est parce qu’on a trop fait de choses. C’est un peu le cas, parce qu’on a un peu bousculé les habitudes, mais en tous cas je ne regrette pas tout ce que j’ai fait.
- C’était avant vous Monsieur Chaudier, qui avait le bureau de tabac en descendant au temple ?
- Tout à fait et le premier adjoint était LA personnalité N°1 du secteur qui était Marc Verilhac, et puis après tout un tas de gens qui se sont beaucoup occupé de la commune mais il est vrai qu’il y avait une façon de gérer un peu différente.
- Et alors quels furent les rapports à cette époque de la municipalité avec le Collège Cévenol ?
- Et bien disons que c’était l’époque de Roger Hollard, donc c’étaient des gens avec qui on était amis, parce qu’on était ensemble aussi bien camarades d’école, qui étaient devenus par la suite les profs de nos enfants, bref nous étions très proches. Donc il n’y avait aucune difficulté, et surtout le Collège marchant très bien à cette époque, on allait la main dans la main la commune et le Collège pour faire tout un tas de manifestation, quand il y avait des jumelages, des visites d’élèves, quand le Collège avait besoin d’un chemin à arranger ou tout autres chose, c’était vraiment l’entente parfaite. Il n’y avait aucune difficulté.
- Parce que finalement le Collège a toujours eu une grande importance dans la vie communale.
- Absolument oui, c’était, je l’estime, essentiel. N’importe quel investissement qui a été réalisé durant ces 30années, a été fait en pensant que c’était fait pour le tourisme parce qu’on est une commune qui doit miser sur le tourisme- ce n’est pas l’industrie qui va pouvoir s’implanter ici…
- On le voit avec les récents événements
- Avec les difficultés, bien sûr. Donc ce qu’on faisait pour le tourisme on pensait également pouvoir l’utiliser au bénéfice des élèves du Collège.
- Alors il y a eu une période où beaucoup d’Américains venaient au Collège, et il semblerait que désormais il y en ait nettement moins. Nous sommes en relation très étroite avec Monsieur Laroque le nouveau directeur du Collège, qui est parti aux USA durant les vacances de la Toussaint, pour rencontrer les amis américains. Est ce que ce serait une bonne chose que les Américains reviennent en grand nombre au Collège ?
- Oui en fait il y a plusieurs explications au fait qu’il y aie moins d’Américains au Collège. D’abord le fait qu’ils y soient venus est lié à l’histoire de ceux qui ont construit le Collège, car ces derniers qui vinrent créer le Collège « à la pelle et à la pioche » sont souvent revenus comme élèves, et leurs enfants sont aussi venus. Et puis toute la diaspora protestante qui fait qu’à travers le monde ça a été un relais extraordinaire. Petit à petit la présence des Américains s’est atténuée, pour différentes raisons, comme les conflits entre la France et l’Amérique, ce n’était pas l’entente cordiale, les problèmes économiques, des problèmes de moins bonne ambiance entre les Américains et les Français, mais il y a toujours eu une présence si minime soit elle, des amis américains du Collège, qui est une association qui existe toujours et qui est toujours vivante, ce qui semble assez surprenant et ils font leur assemblée générale chaque année, et c’est pour cela que le directeur chaque année y va, et Roger Hollard faisait tous les efforts possibles pour y aller chaque année, de même que les représentants de cette association venaient pour les conseils d’administration, enfin faisaient leur possible pour venir, car ils ne pouvaient venir chaque fois. C’était un soutien qui était intéressant .
- Les diverses personnes que j’ai interviewé depuis quelques jours estiment tous que leurs souvenirs du Collège sont indestructibles, beaucoup d’anciens disent que c’étaient les plus belles années de leur vie, des anciens professeurs pensent par exemple que il faudrait redonner une notion de qualité au Collège, au détriment peut-être d’une notion de quantité. Qu’est ce que vous en pensez. C’est à dire moins d’élèves mais rechercher une certaine forme de qualités, un peu ce que vous venez de décrire , ce qui se passait dans les années 47 50… où les internes étaient complètement suivis par le corps enseignant. Et je pense à Monsieur Bouhkechem qui disait que si à l’internat il y avait des gens qui pouvaient aider les élèves dans leurs difficultés ce serait quelque chose de formidable.
- Oui c’est sûr qu’il faut vraiment trouver quelque chose de spécifique pour que ce collège existe par ce qu’il n’y a pas de raison objectivement à avoir un établissement secondaire ici , c’est un peu illogique, donc il faut arriver à attirer fortement par la qualité, c’est important. Mais également il faut faire attention au volet financier, car si on augmente les tarifs dans des proportions invraisemblables- on ne peut pas faire ici un établissement comme l’école des Roches en Normandie par exemple qui joue sur une élite intellectuelle, économique ou autre et qui arrive à remplir son collège parce que les gens ont envie d’avoir des écoles qui s’occupent bien de leurs enfants, mais ce n’est pas facile de remonter la pente. J’espère qu’on y arrivera, mais ce n’est pas si simple.
- Vous êtes pessimiste ou optimiste ?
- Je suis optimiste quand je vois cette image de par le monde et que c’est incomparable ; cela vaut toutes les publicités qu’on pourrait imaginer, mais d’un autre côté je trouve que ça tarde un peu à venir, alors voilà, il faut s’y mettre.
- Donc est ce que pour vous cette grande rencontre de Pentecôte 2009 peut être une lueur d’espoir dans la problématique collégienne ?
- Ah oui, je le pense, je pense que cet anniversaire devrait pouvoir relancer la machine.
- Et en fait les anciens ont un rôle à jouer ?
- Tout à fait, c’est eux qui font la mémoire du Collège, il n’y a pas de doute. Et comme cette publicité que j’ai évoquée, est basée sur la mémoire , il faut parler avec des personnes qui ont bien connu, et qui ont passé un moment ici. Il faut absolument que les anciens soient là et qu’ils représentent le Collège partout en Europe et dans le monde, et qui en parlent. L’idée de qualité reste prépondérante.
- Bien sûr et puis les successeurs. Il est vrai que j’ai bien suivi la vie du Collège.
- Vous avez eu Paul Ricoeur ?
- Non car quand il enseignait la philo, j’étais dans les petites classes. Il était en même temps que moi, mais je ne faisais pas de philo, qui du reste n’était pas ma tasse de thé…
- Des souvenirs de cette époque ?
- Ho oui, moi j’ai des souvenirs très agréables, c’est à dire qu’il y avait une liberté extraordinaire, et on faisait du sport tout le temps on était dans les bois dès qu’on avait plus de cours. C’était vraiment cette liberté qui est mon meilleur souvenir. Et puis les profs qui étaient vraiment très près des élèves, sans les embêter mais très près quand même, c’est à dire que les élèves comme moi qui n’avaient pas de problèmes particuliers, et qui étaient dans leur famille, on n’avait pas de besoins, mais les élèves qui avaient des difficultés avec des parents qui n’étaient pas là, des parents qui souvent étaient divorcés, ou autre, les profs et les maîtres d’internat, bref tout le monde s’en occupaient beaucoup. Je pense à quelqu’un comme Antonio Plazas qui était directeur de l’internat, il était au travail 24 heures sur 24. Donc c’est vraiment quelque chose qu’on n’arrive plus à retrouver ( Rires).
- Une ambiance particulière à cette époque, l’encadrement des élèves, des élèves qui d’ailleurs venaient de partout.
- Oui bien sûr, c’était la base de l’éducation, c’était réellement de l’éducation, ce n’était pas de la scolarité, surtout pour les internes, parce que les internes par définition, ils étaient un peu loin de tout, le Chambon n’est pas sur les grandes autoroutes, et il faut tout de même y venir. Donc les parents suivaient leurs enfants, soit au téléphone soit par l’intermédiaire des maîtres d’internat, et bon ils avaient besoin d’être soutenus, et ils l’étaient très bien ce qui a fait cette réputation du Collège à travers le monde peut on dire.
- Et cette réputation est-elle toujours d’actualité ?
- Disons qu’il y a une image encore, et puis ça a évolué, et tout a évolué, partout, mais il y a une image extraordinaire du Collège à travers le monde, tant il est vrai que les gens qui voyagent beaucoup sont très étonnés de trouver de partout des gens qui parlent du Collège, qui parlent du Chambon et qui ont dans la tête cette image d’un établissement scolaire tout à fait hors normes. A l’époque. Bon ça a changé c’est sûr, mais il y a encore cette image. J’ai eu la visite d’un bonhomme qui travaille à Chicago, qui est français, et qui me dit chaque fois que je vais quelque part j’entends parler du Collège, car il travaille dans l’informatique, à travers tout le monde, et il dit : « ll faut faire quelque chose, ce collège a des difficultés, allons –y. » Je lui ai répondu, oui, mais ce n’est pas si simple.
- Ce n’est pas si simple, tant il est vrai que le Collège à des difficultés, et je crois que les nombreux anciens qui sont sur le blog et qui vont vous lire, en sont parfaitement conscients , mais que faire ? Là est la question et ce sera sans aucun doute l’un des points important de réflexion lors de la réunion de Pentecôte 2009.
- Oui , c’est vrai que beaucoup d’anciens ont envie de faire quelque chose et je pense qu’il ne manque pas grand’chose pour que la mayonnaise prenne. Il est vrai qu’individuellement ils disent, c’est bien , c’est dommage que le Collège soit comme ça et puis quand il partent ils ont leur boulot, leur famille, donc il l’oublient un peu, et puis c’est vrai qu’il faut les relancer.
- Ca c’est bien ce message que vous nous donnez en disant qu’il suffit de pas grand’chose pour que la mayonnaise prenne.
Je crois , et en plus il ne faut pas trop attendre, car on se rend bien compte : les fondateurs il y en plus beaucoup, ceux qui étaient là au début ils ont maintenant 80 et quelques, donc ça compte et il faut se dépêcher. Alors comment il faut faire je ne sais pas, je n’ai pas la solution, mais je pense que ce 70ème anniversaire va sûrement déclencher des choses. J’espère.
- Ben on espère tous, c’est quelque chose qui nous tient à cœur.
- Raymond Vincent , un souvenir particulier de l’époque où vous étiez au collège Cévenol , un personnage particulier, une anecdote particulière ?
- Oh ben, oui, ce qui me vient à l’esprit c’est le Collège éclaté ; c’est à dire que au départ l’établissement a été créé avec des salles de classe qui étaient disséminées dans la commune, et qu’il pleuve , qu’il vente ou qu’il neige ou qu’il y aie du soleil, on partait d’un hôtel à côté de la gare , on allait jusqu’en bas du temple où il y avait aussi une autre salle de classe. On allait après chez un professeur qui acceptait que les élèves viennent apporter de la neige dans son salon, et puis on allait faire les cours autours d’une table, et après il nous payait un coup à boire (pas d’alcool) et puis on mangeait un gâteau. Voilà c’était vraiment enthousiasment pour ceux qui ont bénéficié de cette scolarité, c’était formidable.
- C’était un autre monde à l’époque.
- A l’époque je ne le savais pas, car je n’avais pas vu d’autres établissements. C’est après que je me suis rendu compte que c’était une chance formidable d’être au Chambon, avec ses parents à 1000 mètres d’altitude, et pouvoir passer le bac sans avoir de problèmes particuliers. Donc c’était vraiment intéressant.
- Hier j’ai interviewé Tom Johnson, qui semble être la mémoire vivante du Collège.
- Oui c’est un des plus anciens. C’est un des plus anciens , effectivement il est toujours très fidèle, mais des gens comme lui, il faut se dépêcher, parce qu’il a du mal, physiquement, mais il a toujours cet enthousiasme, et il a fait un discours au moment de la mort de sa femme, c’était extraordinaire. C’était extraordinaire parce qu’il trouvait que la mort c’était quelque chose de joyeux, et dans son pays , là chez les indiens, il a réjoui toute l’assistance, tous ceux qui étaient là, donc je dois dire que ce sont des gens extras, vraiment.
- Alors donc le Collège, c’était l’adolescent Raymond Vincent, qui après est allé à l’université. Est ce que finalement être un ancien élève du Collège et plonger dans le milieu universitaire, est un avantage ou un inconvénient, comment l’avez vous vécu ?
- Il me semble quand même que le fait d’avoir eu cette liberté au moment des études et de se retrouver après en faculté et lâché dans la nature, sans avoir beaucoup de repère , ça a aidé quand même, ça a aidé parce que j’étais un petit peu comme ça au Collège, et il me semble que c’est une bonne préparation pour les études supérieures, que cette façon de travailler et de vivre .
- Donc après l’uni, c’est le retour aux sources.
- Voilà, moi je n’avais jamais envisagé de faire autre chose ou de vivre ailleurs qu’au Chambon, donc je suis revenu et me suis installé en 1960, juste après les études dentaires, le service militaire…
- Qui à l’époque durait longtemps, 2 ans non ?
- Oui, seulement comme j’avais des gamins, avec 2 enfants j’ai échappé à la guerre d’Algérie, et avec le 3ème enfant j’ai été libéré, donc j’ai fais un an et demi.
- Quand même !
- Oui, mais je l’ai fait dans de bonne conditions, parce que j’étais en Allemagne, pour le maintien de l’ordre (rires).
- En exerçant la profession.
- A bien oui, j’étais dentiste à l’armée.
- Et puis alors, le deuxième Raymond Vincent, c’est l’ancien maire du Chambon avec un certain nombre de mandats pour ne pas dire un nombre certain.
- Oui c’est à dire que je suis arrivé en 60, et comme le Chambon m’intéressait beaucoup j’ai participé à pas mal d’associations, de mouvements et autres, et quand sont arrivées les élections municipales on a commencé à s’y intéresser, pas immédiatement mais, on a discuté avec des gens de notre âge, et à l’époque on a trouvé que la gestion de la commune était un peu vieillissante et donc on s’est présenté et on a été élus, en 1971 et après on a fait 5 mandats. La base est restée avec moi et on a été en fonction de 71 à 2001. Et après on ne nous a plus voulu, donc on nous a virés (rires)
- Ce sont les aléas de la politique. Trente ans de mandat c’est une histoire, car le Chambon en 30ans a subit de nombreux changements, une véritable explosion, peut être aussi démographique, mais en tous cas des changement incroyables dans la structure même du Chambon.
- Oui , c’est un peu pour ça qu’on s’était présenté et qu’on a été élus. Et je dis toujours que si on a été battus, c’est parce qu’on a trop fait de choses. C’est un peu le cas, parce qu’on a un peu bousculé les habitudes, mais en tous cas je ne regrette pas tout ce que j’ai fait.
- C’était avant vous Monsieur Chaudier, qui avait le bureau de tabac en descendant au temple ?
- Tout à fait et le premier adjoint était LA personnalité N°1 du secteur qui était Marc Verilhac, et puis après tout un tas de gens qui se sont beaucoup occupé de la commune mais il est vrai qu’il y avait une façon de gérer un peu différente.
- Et alors quels furent les rapports à cette époque de la municipalité avec le Collège Cévenol ?
- Et bien disons que c’était l’époque de Roger Hollard, donc c’étaient des gens avec qui on était amis, parce qu’on était ensemble aussi bien camarades d’école, qui étaient devenus par la suite les profs de nos enfants, bref nous étions très proches. Donc il n’y avait aucune difficulté, et surtout le Collège marchant très bien à cette époque, on allait la main dans la main la commune et le Collège pour faire tout un tas de manifestation, quand il y avait des jumelages, des visites d’élèves, quand le Collège avait besoin d’un chemin à arranger ou tout autres chose, c’était vraiment l’entente parfaite. Il n’y avait aucune difficulté.
- Parce que finalement le Collège a toujours eu une grande importance dans la vie communale.
- Absolument oui, c’était, je l’estime, essentiel. N’importe quel investissement qui a été réalisé durant ces 30années, a été fait en pensant que c’était fait pour le tourisme parce qu’on est une commune qui doit miser sur le tourisme- ce n’est pas l’industrie qui va pouvoir s’implanter ici…
- On le voit avec les récents événements
- Avec les difficultés, bien sûr. Donc ce qu’on faisait pour le tourisme on pensait également pouvoir l’utiliser au bénéfice des élèves du Collège.
- Alors il y a eu une période où beaucoup d’Américains venaient au Collège, et il semblerait que désormais il y en ait nettement moins. Nous sommes en relation très étroite avec Monsieur Laroque le nouveau directeur du Collège, qui est parti aux USA durant les vacances de la Toussaint, pour rencontrer les amis américains. Est ce que ce serait une bonne chose que les Américains reviennent en grand nombre au Collège ?
- Oui en fait il y a plusieurs explications au fait qu’il y aie moins d’Américains au Collège. D’abord le fait qu’ils y soient venus est lié à l’histoire de ceux qui ont construit le Collège, car ces derniers qui vinrent créer le Collège « à la pelle et à la pioche » sont souvent revenus comme élèves, et leurs enfants sont aussi venus. Et puis toute la diaspora protestante qui fait qu’à travers le monde ça a été un relais extraordinaire. Petit à petit la présence des Américains s’est atténuée, pour différentes raisons, comme les conflits entre la France et l’Amérique, ce n’était pas l’entente cordiale, les problèmes économiques, des problèmes de moins bonne ambiance entre les Américains et les Français, mais il y a toujours eu une présence si minime soit elle, des amis américains du Collège, qui est une association qui existe toujours et qui est toujours vivante, ce qui semble assez surprenant et ils font leur assemblée générale chaque année, et c’est pour cela que le directeur chaque année y va, et Roger Hollard faisait tous les efforts possibles pour y aller chaque année, de même que les représentants de cette association venaient pour les conseils d’administration, enfin faisaient leur possible pour venir, car ils ne pouvaient venir chaque fois. C’était un soutien qui était intéressant .
- Les diverses personnes que j’ai interviewé depuis quelques jours estiment tous que leurs souvenirs du Collège sont indestructibles, beaucoup d’anciens disent que c’étaient les plus belles années de leur vie, des anciens professeurs pensent par exemple que il faudrait redonner une notion de qualité au Collège, au détriment peut-être d’une notion de quantité. Qu’est ce que vous en pensez. C’est à dire moins d’élèves mais rechercher une certaine forme de qualités, un peu ce que vous venez de décrire , ce qui se passait dans les années 47 50… où les internes étaient complètement suivis par le corps enseignant. Et je pense à Monsieur Bouhkechem qui disait que si à l’internat il y avait des gens qui pouvaient aider les élèves dans leurs difficultés ce serait quelque chose de formidable.
- Oui c’est sûr qu’il faut vraiment trouver quelque chose de spécifique pour que ce collège existe par ce qu’il n’y a pas de raison objectivement à avoir un établissement secondaire ici , c’est un peu illogique, donc il faut arriver à attirer fortement par la qualité, c’est important. Mais également il faut faire attention au volet financier, car si on augmente les tarifs dans des proportions invraisemblables- on ne peut pas faire ici un établissement comme l’école des Roches en Normandie par exemple qui joue sur une élite intellectuelle, économique ou autre et qui arrive à remplir son collège parce que les gens ont envie d’avoir des écoles qui s’occupent bien de leurs enfants, mais ce n’est pas facile de remonter la pente. J’espère qu’on y arrivera, mais ce n’est pas si simple.
- Vous êtes pessimiste ou optimiste ?
- Je suis optimiste quand je vois cette image de par le monde et que c’est incomparable ; cela vaut toutes les publicités qu’on pourrait imaginer, mais d’un autre côté je trouve que ça tarde un peu à venir, alors voilà, il faut s’y mettre.
- Donc est ce que pour vous cette grande rencontre de Pentecôte 2009 peut être une lueur d’espoir dans la problématique collégienne ?
- Ah oui, je le pense, je pense que cet anniversaire devrait pouvoir relancer la machine.
- Et en fait les anciens ont un rôle à jouer ?
- Tout à fait, c’est eux qui font la mémoire du Collège, il n’y a pas de doute. Et comme cette publicité que j’ai évoquée, est basée sur la mémoire , il faut parler avec des personnes qui ont bien connu, et qui ont passé un moment ici. Il faut absolument que les anciens soient là et qu’ils représentent le Collège partout en Europe et dans le monde, et qui en parlent. L’idée de qualité reste prépondérante.
Comments
Sunday 2 November 2008 | 23:25
Sam, quel boulot ! Merci pour toutes ces fenêtres ouvertes sur nos années collège. Merci pour nous tous, les anciens, avides de nouvelles venant des figures emblématiques de notre jeunesse.